Avec plus de dix ans d’expérience dans l’analyse du football anglais, dont neuf ans à Manchester City, Aaron Briggs évolue dans un environnement de haut niveau.
Devenu coach assistant à l’AS Monaco, il décrit dans cet article l’influence de l’analyse en direct dans le rôle d’analyste à haut niveau.
Les stratégies pour remporter un match se développent pendant l’entraînement. L’analyse en direct fonctionne à peu près de la même manière. Différents scénarios sont élaborés pour entraîner les joueurs, et les équipes d’analyse décomposent ces exercices en retours faciles à assimiler par les joueurs.
"Si nous travaillons sur une phase de jeu, comme la défense dans la surface, je propose deux ou trois vidéos du dernier match ou de notre philosophie," déclare A. Briggs.
La météo sur le Rocher étant bien plus clémente qu’à Manchester, A. Briggs et son équipe ont la chance d’avoir de grands écrans avec des vidéos préparées pour avoir des retours instantanés entre les joueurs et l’entraîneur.
"Nous pouvons diffuser des vidéos en direct sur l’écran depuis nos caméras fixes," explique l’assistant. "Nous réunissons les joueurs très rapidement entre les différents blocs d’une séance d’entraînement, par exemple entre les échauffements et un exercice de possession de balle."
Le but est de faire passer le message rapidement tout en collaborant avec le staff médical, qui tiendront à s’assurer que les joueurs ne se refroidissent pas trop pendant qu’ils visionnent des clips vidéo des deux ou trois derniers matchs afin de voir les axes d’amélioration possible.
Le processus évolue pour faire participer l’entraîneur principal. A. Briggs manipule les exercices pour lui donner des défis.
"Par exemple, je dis à l’attaquant de jouer au centre ou sur les côtés," déclare-t-il. "Je partage ces deux suggestions et le coach intervient pour appliquer la solution dont nous avons parlé.
Ensuite, nous pouvons regarder à nouveau une ou deux vidéos et le coach détaille son point de vue."
Une analyse adaptée
À Monaco, l’analyse de la performance combine la philosophie de jeu du club et l’adaptation aux forces et faiblesses de l’adversaire. Cette philosophie permet de rendre les séances d’entraînement les plus « réalistes » possible, pour se préparer aux matchs à venir.
"Nous essayons d’avoir une longueur d’avance sur le match, et chaque match est différent," indique l’analyste de l’AS Monaco. "Peu importe la formation : 5 défenseurs, 4 défenseurs, 4-4-2, 4-4-3, nous devons anticiper tous les scénarios possibles, pour que les joueurs aient la solution.
C’est le pouvoir de l’analyse. Si vous pouvez anticiper le plus possible pour les joueurs et leur donner quelques solutions claires, vous prenez une longueur d’avance."
Analyse en direct le jour du match
Des études montrent qu’un bon coach interprète correctement seulement 60 % du match. C’est le rôle des entraîneurs assistants et des analystes de s’occuper des 40 % restants. A. Briggs et son équipe sont pleinement immergés dans le match, du coup d’envoi ou coup de sifflet final.
"Pendant le match, j’ai une vue plan large, une vue TV et toutes les datas dont j’ai besoin," déclare Aaron Briggs. "Je dois évaluer tous les moments que je vois sur ces quatre écrans et les communiquer au coach assistant ou principal.
Par exemple : ils viennent de créer une occasion d’incursion par notre côté droit. Comment ont-ils fait ? Quelle était leur intention ? Est-ce que ça fait partie de la stratégie ? Ou était-ce juste une erreur technique individuelle?
Je dois faire en sorte que notre analyse soit la plus précise possible. Ainsi, le coach peut prendre des décisions en connaissance de cause, pouvant avoir une incidence sur l’issue du match.
Je me dois d’avoir le plus d’informations possible, car à tout moment, le coach peut poser une question : "Que se passe-t-il avec le pressing?" Je dois avoir déjà évalué ce point et lui donner une réponse rapide.
Cette approche, qui transforme les multiples canaux en éléments d’informations, peut être comparée à un entonnoir. La technologie permet de le faire en temps réel.
"J’ai toutes les données, provenant de quatre canaux, et je dois donner des informations pertinentes et concises au coach, car il ne peut pas passer son match à me parler," précise l’analyste.
"Il tient à illustrer quatre ou cinq moments phares sur chaque période de jeu. Je lui montre les problèmes. Je lui propose quelques solutions. Il peut ensuite prendre les bonnes décisions."
Analyse de la première période
Alors que les joueurs rentrent au vestiaire à la mi-temps, le staff doit leur donner toutes les informations nécessaires pour qu’ils restent motivés et qu’ils améliorent leurs performances lors de la seconde période.
"Les premières quatre à cinq minutes, le staff discute des points importants de la première période. Nous sommes pour l’instant séparés des joueurs, qui récupèrent, s’hydratent, etc," déclare Briggs.
"Nous les rejoignons ensuite avec trois ou quatre vidéos et l’analyse qui en découle."
Par exemple, il faut améliorer le pressing.
"Il se peut que notre pressing ait été surchargé par l’adversaire. Dans cet exemple, je montre deux vidéos du pressing au coach sur le grand écran," ajoute-t-il. "Ensuite je propose une solution A ou B. Il décide de garder une de ces solutions, ou d’en prendre une à lui.
C’est bien plus marquant pour les joueurs qui voient le moment en vidéo au lieu de le voir sur un tableau."
"C’est bien plus marquant pour les joueurs qui voient le moment en vidéo au lieu de le voir sur un tableau".
Aaron Briggs, entraîneur assistant, AS Monaco.
Qu’entend-on par hautes performances?
Être entouré des bonnes personnes et adopter la méthode adéquate vous permet de prendre de meilleures décisions. Au cours d’une saison longue et difficile, marquée par le championnat et les matchs de coupe, il est primordial de mettre en place un coaching et une analyse cohérents et hautes performances.
"Pendant certaines saisons, on joue plus de 60 matchs. Et je suis sûr que vous vous posez la question - Comment être au maximum de ses performances dans ce type d’environnement?," ajoute Briggs.
"60 matchs en une saison, c’est beaucoup. Il faut étudier le jeu de l’adversaire, faire une analyse détaillée, faire des propositions d’entraînement et de plans de jeux au coach pour chaque match.
Ensuite, nous avons tout ce dont nous venons de discuter sur le process en live. Puis, il y a l’analyse d’après-match, l’analyse du développement individuel pour tous les matchs.
On fait ça 60 fois en une saison, donc la cohérence est primordiale. Beaucoup de gens font du bon travail sur de courtes périodes, puis on se rend compte qu’il n’y a pas d’analyse du jeu de l’adversaire, pas d’analyse après-match
Les performances sont le résultat de la cohérence entre les différentes métriques. C’est un gros travail pour que tout le monde comprenne le processus, car s’ils font quelque chose à laquelle ils ne croient pas, ils ne le feront pas avec enthousiasme. Ils ne feront pas du bon travail.
Maintenir ce niveau est un défi de tous les jours dans le football moderne, avec les exigences des matchs qui augmentent."
"Les performances sont le résultat de la cohérence entre les différentes métriques. C’est un gros travail pour que tout le monde comprenne le processus, car s’ils font quelque chose à laquelle ils ne croient pas, ils ne le feront pas avec enthousiasme".
Aaron Briggs, entraîneur assistant, AS Monaco.
L’avenir de l’analyse en direct
Vous avez mentionné l’utilisation d’un plus grand nombre de données à rassembler. Il faut trouver les axes et les modèles de jeu pour comprendre rapidement la dynamique de jeu et les tactiques sur le terrain.
Quand on me parle de l’avenir de l’analyse en direct dans le football de haut niveau, je pense à deux choses, en tant qu’assistant à l’AS Monaco.
"Pendant les pauses blessures, vous voyez les joueurs pendant quatre ou cinq secondes sur la vidéo," dit Aaron Briggs. "Nous utilisons Hudl Replay, pour certains cas, comme en France, en début de saison, quand il y avait des pauses pour s’hydrater. Ce sera pareil lors de la prochaine Coupe du monde.
Je pense que les données spatiales et le Big Data vont évoluer de façon considérable. Les algorithmes personnalisés créés par les clubs pour leur propre style de jeu vont devenir plus puissants."
Pour les données au sein d’un process en direct, il faut s’assurer de donner les bonnes informations au bon moment.
À Monaco, des données ont conduit au remplacement d’un joueur, malgré sa bonne performance de jeu pendant le match.
"Il y a un mois, la distance de sprint d'un joueur était élevée, il a très bien joué et a probablement été le meilleur joueur du match, à la fois en tant que buteur et que défenseur. Mais sa performance a chuté dans les dernières minutes. L’entraîneur a demandé ses data et a fait un changement sur cette base," partage Briggs.
"Il n’était pas content, car c’était le meilleur jour sur le terrain. Il a eu une passe décisive, il a marqué. Mais c’est un jeune joueur et nous devions lui montrer le niveau à avoir tout le temps. Les tests physiques ont montré qu’il est difficile de maintenir un tel niveau 90 minutes.
Donc le prochain match, on te gardera 60 ou 65 minutes. La prochaine fois, on te remplacera les 15 dernières minutes, car tu seras un peu plus en forme.
Si tu restes sur le terrain et que tu te blesses, tu ne peux pas jouer pendant trois mois. Ce n’est bon ni pour toi, ni pour ta carrière, ni pour le club."
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